Deux étudiants sont assis l'un à côté de l'autre
03.06.2019 - 7 min. Lire

Entrevue : Comment la technologie peut-elle renforcer la confiance à l’égard de l’enseignement supérieur?

Photo par rawpixel.com de Pexels

Un livre blanc rédigé par William Gage, vice-recteur adjoint à l’enseignement et à l’apprentissage à l’Université York, et Michelle Sengara, titulaire d’un doctorat, met en lumière le rôle de la technologie dans l’enseignement supérieur et surtout son potentiel pour la création d’un système robuste d’évaluation authentique. Le document s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste qui vise à mieux harmoniser l’apprentissage et l’évaluation dans les universités et les compétences nécessaires dans un marché en évolution.

eCampusOntario a discuté du livre blanc avec Sengara et de son potentiel pour influencer un changement de culture plus important.

Vous travaillez sur un nouveau prototype de modèle de cours depuis 2015. Qu’est-ce qui a fait naître l’idée au départ et qu’est-ce que le processus a nécessité jusqu’à maintenant?

Michelle Sengara (MS) : Dès le départ, en sa qualité de vice-recteur adjoint, Will Gage était intéressé par l’innovation. Il a dit : « Je veux que vous imaginiez à quoi pourrait ressembler l’enseignement supérieur dans cinq ou 10 ans! » Il a rassemblé une équipe agile de trois personnes, soit Kelly Park, qui est notre responsable technique, moi-même, responsable de l’enseignement, et Carolyn Steele, titulaire d’un doctorat et notre spécialiste de l’intégration culturelle. Il nous a dit : « Je veux que vous sortiez complètement des sentiers battus ».

Nous avons recueilli des données sur l’expérience actuelle (2015) des enseignants et des étudiants à York par l’intermédiaire du centre de ressources pour étudiants, sur les domaines communs de l’enseignement et sur la recherche propre à notre domaine en tant qu’universitaires. J’ai apporté des recherches sur l’apprentissage en ligne, Carolyn, des recherches sur l’intégration des médias numériques sur le plan culturel et Kelly, des recherches sur l’intelligence artificielle (IA) et l’intégration. Nous avons également mené des consultations localement auprès du personnel administratif, comme le registraire, le doyen de l’université et le directeur des relations avec le corps professoral.

Et vous avez décidé d’écrire un livre blanc pour décrire le prototype?

MS : Le livre blanc décrit le prototype que nous avons envisagé à la suite de nos recherches. Nous avons également tenu compte dans ce livre de certaines des grandes forces qui façonnent l’apprentissage et l’évaluation basés sur la technologie dans le document.

Nous voulions aussi que le livre soit adapté à un public beaucoup plus large que celui du journal. Les étudiants doivent pouvoir le lire, les enseignants doivent pouvoir le lire et les administrateurs doivent pouvoir le lire. Les artisans du changement, les chefs de file et les innovateurs technologiques devraient tous se sentir interpellés par sa prémisse. Notre public cible est beaucoup plus vaste puisque nous avons opté pour le livre blanc.

William Gage et Michelle Sengara, auteurs du livre

Image 1: William Gage et Michelle Sengara, auteurs du livre

 

Dans votre document, vous parlez de changer les modèles d’évaluation pour que la technologie devienne un outil, plutôt que de changer les politiques entourant la technologie elle-même. Pouvez-vous nous en dire plus?

MS : Il s’agit vraiment d’un changement de mentalité. Il y a beaucoup de résistance lorsqu’il est question d’intégration technologique et une partie de celle-ci est tout à fait justifiée. Nous croyons que pour que les gens se sentent plus à l’aise avec la technologie, il faut leur donner des moyens authentiques de l’utiliser.

Dans notre prototype, notre équipe se penche sur des évaluations améliorées par la technologie qui sont fondées sur l’expérience, qui sont accessibles, qui sont faciles à personnaliser et qui font preuve d’une intégrité scolaire. Les gens ont un réel sentiment de validité et de responsabilité dans l’établissement des résultats mesurés. Lorsqu’une personne obtient un A, vous savez que c’est un A, non pas parce qu’elle a coché les cases, mais parce qu’elle a montré que son apprentissage s’est fait d’une façon pertinente et utile. Si nous pouvons intégrer la technologie dans l’évaluation et susciter l’enthousiasme des gens à son égard, alors nous aurons une avenue potentielle pour une intégration efficace de la technologie sur le plan culturel.

Quelles sont les difficultés auxquelles les établissements qui tentent de mettre en œuvre certains de ces changements peuvent se heurter?

MS : Le principal obstacle auquel de nombreux établissements seront confrontés lorsqu’ils commenceront à adopter de nouvelles méthodes d’évaluation est la peur de la nouveauté, du changement. D’une part, les étudiants seront réticents, car on leur demandera de faire des choses qu’ils n’ont jamais faites auparavant et on changera la façon d’établir leurs notes. D’autre part, les enseignants seront réticents, car ils devront s’adapter à une nouvelle méthode, ce qui leur demandera du temps, du temps qu’ils n’ont pas; ils devront réinventer la roue. Enfin, le personnel administratif sera réticent en raison des aspects juridiques contractuels et des limites de l’infrastructure, ce qui exige un investissement de temps et d’argent. Il faudra donc s’adresser à chacun de ces groupes avec une oreille attentive, en faisant preuve de patience et en les faisant intervenir dans la planification. C’est ainsi qu’ils participeront à la création du prototype et de la première version; cette étape est essentielle pour qu’un changement institutionnel à grande échelle et à long terme s’amorce.

Quels sont les avantages pour les apprenants, les éducateurs et les établissements si nous changeons la façon d’évaluer l’apprentissage au moyen de la technologie?  

MS : Nous voyons l’évaluation authentique comme le pilier d’une expérience scolaire intéressante et fiable dans un monde en rapide évolution. En mesurant non seulement la connaissance du contenu d’un cours, mais aussi les compétences d’exécution qu’un étudiant acquiert en appliquant le contenu (pensée critique, résolution de problèmes) et en mettant en pratique ses apprentissages (empathie, communication), nous pourrons évaluer des aspects qui sont réellement précieux. En faisant la promotion de la croissance et de la maîtrise, nous pouvons créer des canaux de rétroaction dynamiques entre l’apprenant et l’enseignant qui permettront de faire des évaluations significatives tout en respectant des normes scolaires rigoureuses. La technologie nous aidera à mettre en place un système efficace d’évaluation qui établit un lien entre les apprenants et les compétences et qui leur offre une rétroaction positive pour chaque cours et à grande échelle.

Quelle est la prochaine étape pour votre équipe?

MS : Nous sommes déterminés à promouvoir ce changement nécessaire sur le plan des évaluations et le rôle que la technologie peut jouer pour que nous y parvenions. En outre, le modèle permanent sera appliqué en septembre à trois cours pilotes dans trois domaines différents. Nous voulons prouver que ce modèle d’enseignement et d’apprentissage fonctionne, peu importe le sujet du programme, que des compétences comme la pensée critique, l’empathie et la résolution de problèmes peuvent être enseignées et être intégrées dans la conception d’un cours, peu importe la matière enseignée.

Cliquez sur le lien pour lire le livre blanc (en anglais seulement) : https://yorkspace.library.yorku.ca/xmlui/handle/10315/36069